Je suis premier ministre et je danse le hip-hop !
Je n’ai pas fait l’ENA, j’ai 4 enfants et je dîne avec eux presque tous les soirs.
Peu importe ma couleur, je n’ai pas grandi à Neuilly, ni en
Normandie.
J’ai vécu dans un appartement avec mes frères et sœurs mais
aussi parfois mes cousins.
Je connais bien mes voisins, j’ai passé du temps à jouer
avec eux, en imaginant que nous étions astronautes et visitions de nouvelles planètes
sur les talus du parc d’à côté.
Dans mon école, il y’avait des tas d’enfants, tous pareils.
Je n’avais pas idée, une fois ado, qu’on ne pouvait pas tomber amoureux d’un juif
quand on était musulman.
Je n’avais pas idée, avec mes yeux d’enfant, que vivre dans
la cité ce n’était pas pareil qu’avoir un pavillon.
Et puis que cumuler des petits boulots après la fac, ce n’est
pas pareil que de rentrer directement chez soi, pour réviser.
Car avoir ces petits boulots ça permet aussi de voir ce
qui se passe ailleurs, connaître des gens qui ont moins de chance que soi et d’autres
qui ont en plus et déjà se forger son expérience.
Enfin mon premier vrai job, dans mon bureau avec vue. Je
me dis que toutes ces années ce n’était pas pour rien.
Et je commence à grimper doucement, sans m’en rendre
compte. Et un jour, je dérange !
Je dérange, parce que, à la base, je n’ai pas fait la bonne
école et que du coup, ma légitimité pour cette promotion est remise en cause ;
Que je fais partie d’un Comité de Direction et ce n’est pas parce
qu’il y’a des quotas ;
Que je dirige une entreprise car je crois en mon projet et
que je me donne les moyens d’y arriver ;
Que je me trompe, je fais des erreurs et je prends le temps
de me pardonner et de réparer ;
Que je siège au Conseil d’Administration et ma voix compte
au moins autant que celle des autres car je sais où on va ;
Que j’aime aussi bien l’opéra qui me fait monter les larmes
aux yeux, que de danser toute la nuit ;
Que je sais et je n’attends pas qu’un reportage de M6 le
dise, qu’il y’a des gens qui vivent dans des mobile-homes. Comme les deux
parents travaillent dans une usine, ils gagnent trop pour avoir droit à un
logement social mais pas assez pour louer un appartement et permettre à leurs
deux enfants de grandir comme il faut.
Ni je détourne le regard, quand je vois une famille de
migrants faire la manche sur le périf.
Je dérange car je suis ministre et je choisis les habits dans lesquels je me sens bien, la coiffure qui me va et je dis ce que je pense surtout quand
on ne me le demande pas.
Je suis premier ministre et je ne visite pas une ville parce
qu’il y’a eu un meurtre. J’y vais avant, pour m’assurer qu’il n’y en ait pas.
Je dérange parce que je suis une femme, peut-être noire,
peut-être de Marseille ou de Lille, je n’ai pas fait les grandes écoles, j’ai divorcé
ou pas. Je dérange parce que je ne m’habille pas en costume si ça ne me plait
pas. Parce que si j’ai envie, je peux avoir les cheveux longs. Parce que je ne lâche
rien et qu’il n’y a pas plus persévérante quoi moi. Parce que j’ai appris à
faire mille choses à la fois et à les faire bien. Parce que je sais que rien n’est
gagné d’avance, ni acquit et que je suis là où je dois être. Parce que, si j’ai
envie de prendre un an pour m’occuper de mon bébé, je le fais. Parce que si j’ai
envie de retourner bosser, un mois après la naissance de ma fille, je le fais. Parce
que si je n’ai pas envie d’avoir d’enfants, je n’en ai pas. Parce que je sais que
la couleur de ma jupe va plus attirer l’attention des médias que mon discours.
Et que de toute façon, seule Edith est arrivée au poste de premier ministre.
Parce qu’il faut laisser tomber les stéréotypes. Parce que c’est
en faisant différemment que la société évolue. C’est en regardant les sujets de
tous les points de vue qu’on les fait avancer. Que de l’union naît la force et
que la force aujourd’hui, on en a besoin !
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