Je t’aime, moi non plus !
Si on interroge n’importe quel
étranger ayant séjourné en Algérie pour quelques jours ou plusieurs années, sur
la première qualité d’un algérien, la réponse est unanime : sa générosité !
L’Algérien propose son aide. Dans
les faits, il aide sans proposer, ni attendre qu’on le lui demande. Il ouvre sa
porte à son voisin dans la joie et le malheur, il prête, il donne, il s’implique
(parfois un peu trop). Il appelle pour prendre des nouvelles, il rend visite à
sa famille, il va voir les malades pour leur apporter du réconfort ou juste
leur tenir compagnie. Il prépare des repas pour ses proches, pour des inconnus.
Il ne laisse jamais payer l’addition à son compagnon, surtout si c’est un
étranger. Il indique, accompagne, va chercher… C’est le seul être humain (ou
presque), que lorsqu’on lui fait un compliment sur sa nouvelle veste, il serait
capable de vous l’offrir sur le champ !
Oui, incontestablement, l’algérien
est un être qui a le cœur sur la main, il est habité par cette volonté de
toujours faire plaisir à autrui.
Alors pourquoi tant de haine ?
La haine du pauvre envers le
riche, car ce dernier ne mérite pas l’argent qu’il a, voire il l’a volé. La
haine du riche envers le pauvre qui manque cruellement de civisme. La haine des
plus âgés envers les jeunes qui détruisent les traditions. La haine des plus
jeunes, qui pensent que les générations précédentes n’ont pas été capables de gérer
le pays et ne leurs laissent que des problèmes. La haine de l’employé envers
son patron qui n’a de cesse de l’exploiter. La haine du chef d’entreprise qui
se plaint de ne pouvoir compter sur personne. La haine des enseignants qui n’ont
jamais vu autant d’enfants mal élevés. La haine des parents d’élèves qui sont désespérés
face à la qualité du corps professoral, qui n’a pas su se renouveler. La haine
des politiciens envers le peuple incapable de comprendre les lois et encore
moins de les respecter. La haine du peuple envers ses dirigeants, tous des
voleurs qui ne pensent qu’à leurs intérêts personnels. La haine des
journalistes envers les chefs d’entreprise qui saccagent l’économie. La haine
des patrons envers les médias qui communiquent des fausses vérités. La haine du
commerçant envers ses clients qui critiquent leurs étales et ce qui s’y trouve.
La haine du consommateur, persuadé qu’il se fait arnaquer sur les biens ou
services qu’il se procure… La haine du pompiste qui se plaint de ces « algériens »
qui ne respectent jamais rien !
C’est cette dernière phrase, dite
il y’a quelques jours par un jeune homme, au moment où je faisais le plein de
ma voiture, qui a déclenché mon envie d’écrire sur ce sujet.
Alors certains pensent que ça
date de l’après colonialisme, qu’il y’a eu un mélange de population avec des
acquis différents, que la politique de l’époque a tenté d’y remédier. Que l’euphorie
de la liberté retrouvée a masqué un temps les inégalités, qui ont fini par
éclater, quelques dizaines d’années plus tard, quand le peuple s’est divisé.
La « décennie noire » a
vu des mouvements de population importants où les habitants des régions les
plus reculées ont tenté de venir se réfugier dans les grandes villes, quand ils
n’étaient pas enrôlés par les terroristes.
Une paix imposée s’en est suivie où
le bourreau devait être pardonné en ayant droit à quelques compensations pour reprendre
une vie « normale »
Et si de là venait cette haine ?
Quelques-uns pensent que oui. Obliger une victime à pardonner à son bourreau, sans
contrepartie, vivre avec lui et accepter qu’il ne soit pas puni pour ses actes,
est contre nature.
Les psychologues indiquent qu’à
long terme, les victimes vivent avec une colère intérieure, même si elle semble
contenue, que ça crée une diminution à jouir de la vie et une hyper vigilance par
rapport au danger ou au supposé danger (tout ce qui peut être considéré comme
différent ou inconnu).
Des femmes cachent leurs corps
pour ne pas être agressées D’autres évitent de sortir de leur quartier au
risque de perdre leurs repères. D’autres « se scannent » de la tête
aux pieds pour s’assurer qu’elles font bien partie du même monde. D’autres
adoptent une attitude hautaine pour éviter de se « mélanger ». Des
hommes ne s’allient professionnellement qu’avec ceux qui sont du même village,
ou ville, ou région, car c’est une garantie de confiance. Il y’a encore
quelques années, certains ne recrutaient que par cooptation pour ne pas faire
rentrer n’importe qui dans leurs entreprises. Aujourd’hui, on recrute des gens qui
nous ressemblent pour éviter la diversité qui peut être source de tension… On
se scrute, on se regarde, on s’observe, on se juge.
Comment remédier à cette haine ?
Cette haine qui nous empêche d’avancer. Cette haine qui fait partie de la
grande équation à résoudre pour un monde d’après.
La prise de conscience
individuelle est un début mais absolument pas suffisante. L’école, en
reconnaissant la souffrance subit, en racontant l’histoire sans la juger serait
le moyen d’extraire les générations futures de cet engrenage infernal. Car de
par le monde, tous les pays portent les cicatrices de leurs histoires et qu’à un
moment, crucial, il faut faire le choix d’avancer.
Si vous rencontrez un algérien
vivant à l’étranger, ne vous avisez jamais à lui faire des remarques
désobligeantes sur son pays ou ses semblables. Vous risquez de ne pas vous en
remettre, mais vous saurez, plus que tout être humain (ou presque), qu’il a l’Algérie
dans la peau !
"L'ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine, la haine conduit à la violence.. Voilà l’équation". Ibn Rochd (Averroès)
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