L'autre moi!

    

    Nous connaissons tous une femme comme elle.

Elle est belle, pas la beauté des magazines, mais belle par ce qui émane d’elle.

Toujours bien apprêtée, les couleurs sont harmonieuses et les formes pointues. Elle ne marche pas, elle flotte. Son assurance la dépasse, sa confiance en elle forme une sorte d’aura qui lui donne un air de reine.

Elle avance la tête haute.

Presque jamais seule. Toujours entourée d’autres femmes qui lui ressemblent. Elles papillonnent au-dessus du monde, leur monde.

On les entend rire doucement, chuchoter beaucoup, faire des plans, énormément.

On admire l’allure, l’aisance et cette confiance qui ferait fléchir de convoitise n’importe quel coach chevronné.

On envie sa veste, son sac ses chaussures. Quelle chance de porter autant de pièces qu’on voit dans les publicités et autres défilés.

On s’étonne du temps si précieux qui lui appartient et dont elle fait ce qu’elle veut ; petit-déjeuner entre copines, lunch sur une terrasse ensoleillée, virée dans la dernière boutique à la mode, tea-time en famille et pool party en soirée où tous les happy few seraient présents.

On est gêné tout en étant surpris, par sa facilité à critiquer ce qui l’entoure, comme si elle détenait la vérité vraie. Son avis compte et elle en fait ce qu’elle veut.


    Mais plus on la croise, plus cette impression s’étiole. L’admiration première laisse place à un malaise, un recul.

Sa beauté nous paraît d’un coup artificielle. On la juge trop maquillée, trop coiffée.

Ses vêtements nous semblent trop griffés, trop clinquants.

On se dit qu’elle pourrait utiliser son temps à faire des choses plus utiles. On se surprend à la surnommer « la desesperate houswife ».

On ne supporte plus de l’entendre dire que tous les profs sont des incapables, que partout la bouffe est mauvaise et que même le soleil tape trop fort !

Alors, on commence à la mépriser doucement. On l’évoque entre copines pour se moquer de ses manies. On se dit que c’est une « pauv » fille qui est à côté de la plaque, qui n’a sûrement jamais ouvert un bouquin et que son idéal doit se situer entre Nabila et Kim.


    Et puis un jour on ne la voit plus. On ne la croise plus. Même son groupe de copines semble avoir disparu.

On s’étonne et on la cherche, car oui, elle est bien là, quelque part. Elle est plus discrète. Elle baisse la tête quand elle marche. Elle ne s’attarde plus. Elle ne va plus au restaurant ni aux soirées. Au fond, elle voudrait disparaitre.

Et comme le monde est tout petit, on finit par savoir. Savoir que pendant tout ce temps, cette femme s’était construit une vie de paillettes, de copines et de shopping. Elle s’est construit cette vie pour ne pas regarder la sienne, la vraie. Celle d’un mari absent, trop pris par son travail. Celle d’un mari absent trop pris par d’autres femmes. Celle d’un mari, que quand il est présent, ne la regarde pas, ne la voit pas. Celle d’un mari que lorsqu’il est à la maison l’insulte, la dénigre, la rabaisse et parfois la cogne…

Et un jour, il la quitte.


    Elle est seule. Elle n’a pas d’argent, sa famille lui reproche de ne pas avoir su garder un mari. Elle ne peut plus suivre le train de vie de ses amies. Elle n’a plus d’amies.

Elle doit se reconstruire. Trouver un travail. Trouver où se loger car elle sait bien que son ex finira par lui demande de quitter l’appartement. Elle a honte. Elle ne sait plus si elle a honte de ce qu’elle était ou de ce qu’elle est. Elle voudrait n’avoir jamais eu d’argent. Jamais connu ces gens. D’avoir cru qu’il finira par changer. Elle se reproche de ne pas avoir agi quand il le fallait. D’avoir fait comme si. D’avoir menti à elle-même plus qu’aux autres. Elle voudrait reprendre son travail d’avant. Mais après tant d’années qui voudrait la recruter. Et puis, elle n’est plus toute jeune. Est-ce qu’elle va retrouver l’amour ? Elle n’y pense pas. Elle n’a pas envie d’y penser. Il faut d’abord faire face à tout ça. Comment avoir l’énergie ? A quel moment elle s’est trompée ? A quel moment elle a basculé dans ce monde? Elle le sait, personne ne l’a obligé. Elle s’y est plu. Elle y a trouvé un équilibre ou tout du moins une facette, une cachette, un moyen de ne pas faire face. Comment va-t-elle pouvoir tout reconstruire maintenant? Comment trouver cette confiance pour vivre de nouveau ?


    Moi, je lui dis, cherche bien. Va fouiller au fond de tes tripes. Aie la niaque. Va vers les bonnes personnes qui te tendront la main. Fixe-toi comme but de retrouver ta dignité. Ne laisse plus personne te dire ce que tu dois faire ou comment tu dois te comporter. Et surtout, arrête de te mentir.

« Ma liberté, longtemps je t’ai gardée, comme une perle rare. Ma liberté, c’est toi qui m’a aidé à larguer les amarres, pour aller n’importe où, pour aller jusqu’au bout des chemins de fortune, pour cueillir en rêvant une rose des vents sur un rayon de lune » Georges Moustaki

En image, “La Femme Masquée” de Jean Carzou

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