Mon burnout !

 



Je ne me suis pas réveillée un matin en me disant que « je fais un burnout ».

Non. Un matin, j’ai mis un mot sur une situation qui m’habitait.

Cela a pris du temps. Des années.

Je ne me souviens plus quand j’ai commencé à ne plus me reconnaître. Je n’arrive pas à dater exactement le moment où j’ai commencé à basculer. Spontanément, je dirais peut-être en 2015. Et le matin où j’ai pu y mettre ce mot, « burnout », c’était un samedi matin, en novembre 2019.

On ne se rend pas compte comment ça commence. Ce sont les conséquences qui nous le font réaliser, seul ou accompagné.

De nature bosseuse, enthousiaste, optimiste et joyeuse. On m’a décrit parfois comme naïve, car je fais d’abord confiance. Je partage et j’apprécie particulièrement le mouvement. La stagnation m’ennuie. Qu’elle soit pour moi ou pour les autres.

Je jongle avec les idées, les projets. Les solutions fusent dans ma tête sans que j’ai besoin d’aller les chercher. J’ai longtemps cru que les autres étaient comme moi et je dépensais toute mon énergie pour embarquer tout le monde dans les projets que je me fixais.

Le matin, dans ma voiture, la musique bat son plein. Quand j’arrive au bureau ma détermination est au maximum, aucune barrière ne semblait pouvoir m’arrêter, même les têtes baissées et les mines fatiguées des collègues croisés sur mon chemin.

Personne ne te dit la vérité et surtout pas tes collaborateurs.  De projets en objectifs, on devait tout faire et tout construire. Mon enthousiasme les fascinait et les effrayait à la fois. La plupart sont là pour travailler. Faire ce qu’ils doivent faire et rentrer à l’heure pour reprendre leur « vraie vie ». Ils donnent le mieux d’eux-mêmes, parfois un peu plus. Mais chacun a ses limites et les limites des uns nourrissent ma frustration.

Mes boss sont satisfaits, du moins c’est ce qui ressort de mes évaluations. Je fais plus qu’il n’en faut. Je m’implique partout. Même là où je ne devrais pas. J’aime mon travail. J’avais une mission et rien ne pouvait m’arrêter.

De l’autre côté de ma vie, des problèmes apparaissent. Ma famille ne suit pas. Elle a besoin de moi et moi je ne suis pas là. Ou du moins, je jongle. Je dois être partout. La quête de la perfection. Une famille parfaite. Un travail parfait. L’équilibre ultime. Le Graal !

C’est par la colère que ça a commencé. Moi qui suis plutôt douce et joyeuse, je deviens une boule de nerfs, prête à exploser pour n’importe quelle contrariété. Au début, je me cherchais des excuses. C’est parce que les gens ne sont pas à la hauteur, ils ne comprennent pas ce que je veux… Doucement mais sûrement, je deviens intolérante au moindre retard, à la plus petite erreur. Je ne m'aimais plus.

Je quitte mon travail, convaincue que c’est là le problème. Pour le remplacer par un autre avec de nouveaux challenges. Relevés haut la main. Mais à quel prix ? Des collaborateurs épuisés et des collègues sous tensions.

Je craque. Je ne me sens pas soutenue. Je pleure. Moi qui ne pelure jamais.

Je me suis perdue quelque part et je ne le sais pas encore, mais je dois me retrouver.

Je ne sais pas m’arrêter

Bien sûr, que je ne sais pas m’arrêter de travailler. Du plus loin que je m’en souvienne, j’ai travaillé. Mon premier job à 14 ans pour un festival dans le sud-ouest dans la France. En réalité, ce n’était pas un job puisqu’il n’offrait pas de salaire. J’étais en vacance durant l’été avec une amie et ses parents. Les organisateurs cherchaient des jeunes pour faire de la figuration pour un spectacle de plein air. Mais avant le spectacle, ils dressaient des grandes tablées pour le diner. Les figurants pouvaient y faire le service et être rémunéré grâce aux pourboires. Leur spécialité ? Les aiguillettes de canard. Je me rappelle de mon premier pourboire laissé par des clients. Cinquante francs ! A l’époque, c’était une fortune. J’avais eu les plus gros pourboires durant les quelques jours où j’y ai travaillé. Ce dont je me souviens, c’est la satisfaction des clients qui me disaient « quel plaisir d’être servi par une personne aussi dynamique et impliquée ».

Dynamique et impliquée…. Je l’ai été dans tout ce que j’ai fait. Serveuse, vendeuse, hôtesse, gestionnaire…directrice et chef d’entreprise.

Comment cette joie de faire s’est transformée en colère de ne peut-être pas y arriver? J’y arrivais la plupart du temps pourtant. Parfois, je me disais, que s’il n’y avait pas de colère, je n’y arriverais pas. Des excuses !

C’est une amie qui m’a encouragé à prendre du temps pour ne rien faire. Impossible, ce n’est pas moi. Elle insiste. Elle me dit que j’en ai besoin. Que ça ne coûte rien d’essayer. Je ne sais pas comment faire. Elle me pousse à m’inscrire à un cours de médiation.

Durant plus de deux mois, une fois par semaine, assise à même le sol, j’apprends à me centrer sur l’essentiel. La première séance fût compliquée car je n’y étais pas. Mentalement je veux dire. Mais plus les séances avançaient, plus mon corps se relâchait. Les tensions se dénouaient. Plus j’écoutais les autres et plus je m’écoutais. Et un jour, à voix haute, devant tout le monde, quasi des inconnus, je dis « j’ai fait un burnout de ma vie » !

Je crois que c’est à partir de là qu’a commencé le processus de guérison. J’ai choisi de le faire seule. Ça a pris certainement plus de temps. Quand je dis seule, ce n’est pas tout à fait vrai. Il y’a des moments où ça bouillonnait dans ma tête. C’est à peu près à cette période que je me suis mise à écrire. Il y’en a d’autres où j’échangeais avec mes amies. Sur tout. Absolument tout. Comme quand on a 16 ans et qu’on refait le mode à chaque rencontre.

J’ai dû retrouver mes 16 ans pour me retrouver moi-même et à nouveau pouvoir m’aimer, me faire confiance, me respecter pour être capable de le faire avec les autres.

On est pris dans le tourbillon de la vie, comme dirait une célèbre chanson. Parfois ce tourbillon se transforme en tornade et peut tout détruire sur son passage. J’ai eu la chance qu’une personne qui me veuille du bien, m’oblige à regarder les choses en face pour les affronter et les réparer.

Aujourd’hui, je vie consciemment. La plupart du temps. Vivre consciemment veut dire vivre le moment en étant présent de corps et d’esprit. Cela permet de mieux apprécier ce qu’on vit. Apprécier aussi dans le sens mesurer. Pour mieux agir, réagir.

On n’est pas toujours disposé à écouter. Si quelqu’un m’avait parlé quand j’étais piégé dans ma tornade, je ne sais pas si je lui aurais prêté la bonne attention. Je regrette qu’on ne l’ait pas fait.

Je vois autour de moi de bonnes personnes qui sont piégées comme je l’ai été. Des personnes qui se perdent comme je l’ai été. J’écris cet article pour elles. Et pour toutes celles et ceux qui sont capables d’aller leur tendre la main, comme on me l’a tendu.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

La "puissance" du Manager!

Obscurantisme !

Valeurs d’entreprise, entre discours et réalité